26-29 Novembre 2021/ Institut Français/ Commissaire : jean KAMBA
Animateurs : Nioni MASELA -Walter BADIBANGA –Jean Marc MATWAKI
L’approche discursive de Kideswe Masolo a été conçue, mise en place et concrétisée en vue d’accompagner les créateurs designers et les acteurs connexes du secteur. Elle a permis d’explorer, de décrire, d’analyser et de projeter à partir des éléments entourant l’univers de création en RD Congo : les forces, les risques, les menaces et les opportunités ; aussi les structures formelles entrant dans le cycle de vie d’une carrière de designer, tel que des entreprises de toutes tailles, des ateliers, des écoles, des centres de formation et des universités ; des managers, des mentors, des producteurs, des mécènes, des théoriciens, etc.
Il est de notoriété publique que le créateur designer est d’abord à situer dans un environnement, vu dans toutes ses acceptions, qui s’avère être le principal ferment de ses visions et pratiques. Celui-ci, en interaction avec cet acteur, permet la mise sur orbite des éléments nourris des réalités sociétales et permettent la résolution des problèmes identifiés, au préalable, et traduit en besoin à assouvir avec efficience. Il résout des problèmes, il propose des solutions, il ouvre des portes, il désacralise les visions orientées, il les sacralise aussi dans certains cas. Il montre le chemin en apportant un plus dans la société dans laquelle il plante ses racines. Dans sa dimension utilitaire, la création du designer est une somme d’interactions entre les besoins perçus et les voies empruntées en vue de la mise en exergue des alternatives, en connivence avec les pesanteurs sociales, politiques, structurelles, positives et négatives, évoquées ci-haut.
Masolo est le pluriel de « lisolo », signifiant en langue lingala : « causeries », « partages », « interactions », etc. Durant ces rencontres professionnelles les invités, aux divers profils et compétences, ont défilé et fournis de quoi constituer une source du savoir, orientée vers le secteur de design en RD Congo et à l’international, pouvant présider à son ascension tout en se coalisant avec le souci d’un entreprenariat créatif, tant voulu par l’initiateur de ce projet.
Comment et pourquoi le tissus Kuba fascine et inspire tant, dans la création et dans les sciences sociales ; les petites et moyennes entreprises, en RD Congo, sont-elle des OVNI ou plutôt des entités qui viennent à l’existence selon des normes établies par l’Etat ? La précédente question que le juriste Jude Mubenga a prise à bras le corps pour décrire et mettre en exergue les procédures requises en vue de la création de tous types d’entités commerciales ou non, en RD Congo. Le bambou et ses vertus multidimensionnelles, est-il suffisamment exploité par les créateurs locaux ? La pratique de la céramique, en RD Congo, est-elle orientée vers de nouveaux horizons ?… ce qui précède constitue un échantillon et Autant de questionnements ayant constitué les bases de discussions de KINDESWE MASOLO, du 26 au 29 octobre 2021. Un programme riche, diversifié et orienté vers la recherche des solutions quant au secteur de design et de l’entreprenariat en RD Congo.
Artistes professionnels, artisans, chercheurs, théoriciens, praticiens, enseignants de l’Académie des Beaux-Arts de Kinshasa, de l’Institut Supérieur des Arts et Métiers(ISAM), et d’autres horizons ont pensé le design, les matériaux, les contenus, les structures. Un état des lieux, des critiques constructives, des propositions, des collaborations et des contradictions dans une dialectique riche. Il a été aussi question de savoir ou de tisser des liens entre l’artisanat et le design, combien il est important de questionner la problématique de classification des domaines ; d’introduction de nouveaux matériaux et d’exploitation, à grande échelle, de ceux traditionnellement exploités. Le bambou, par exemple a été passé au crible et s’est vu exposé par des designersNgbenzi Manny, Izamba Iviart, qui en ont expérimenté récemment en Chine avec une dose de révolution de ce matériau, sa valorisation en tant que matériau local et écologique à trouver pourtant facilement et abondance en RD Congo.
Des questions portant sur l’installation des entreprises fournisseurs ou producteurs de produits immobiliers avec des matériaux synthétiques, des plastiques et autres, leur consommation locale et la politique de leur commercialisation en passant par la communication et le marketing adaptés au goût du kinois ou congolais, n’ont pas étés ignorées et ont fait l’objet des débats fructueux. Le souci de voir aussi de grandes entreprises congolaises proliférer et rendre service à la société tout en puisant dans le patrimoine culturel du pays a été mis en exergue par les conférenciers et le public présent.
Le recours au tissus importés pour habiller les meubles n’a pas été oublié, les experts ont analysé ensemble le pourquoi de ce recours alors qu’il y a des possibilités de créer à partir de la richesse tant culturelle que matérielle que regorge le pays au lieu de rester dans cette fixation sur des produits provenant de l’Asie ou d’ailleurs. Il a été démontré par Cedrick Nzolo que c’est possible de développer une industrie de textile et de pondre d’autres modèles en partant des éléments locaux pour enfin s’imposer jusqu’à l’international, autant que les créateurs et entrepreneurs de l’Afrique de l’ouest, avec leurs divers tissus de la place. Dans le volet de l’entreprenariat créatif, Libiki, une entreprise crée par Yaya Boma Bibi, a démontré au public combien il est impérieux et nécessaire de s’approprier des ressources locales en vue de palier aux difficultés portant sur le soin de la peau, et autres déficits corporels en explorant et exploitant les connaissances ancestrales tout en les dotant des astuces du marketing actuel tel qu’un packaging adéquat, le cas du Thé Bulukutu et autres.
La récurrente question portant sur l’appartenance du tissus wax à l’Afrique ou non n’a pas été occultée et une dose d’histoire a été relatée en vue de démontrer comment ce tissus a pu voyager de l’ile de Java jusqu’à se voir approprier par l’africain ; mais cette question de réappropriation qui est éminemment philosophique et culturelle a ouvert des brèches en créant un labyrinthe dans les discussions. Dans cette même lancée, les discussions sur les tissus locaux utilisés par des designers congolais, tels que Fifi Kikalanga, Jess Kilubukila, et autres qui ont jeté leur dévolu sur ceux de bakuba, ont nourri des idées en connivence avec Mabudi Woto, un théoricien, sur la mise à jour ou l’adaptation de ces créations textiles ancestrales dans la société actuelle fortement immergée et influencée par les TIC(Technologies de l’Information et de la Communication). Avec ses particularités géométriques, à déceler dans sa richesse graphique, le tissus kuba est exploré et exploité dans l’immobilier dans sa dimension de velours et ses cordages particuliers ; aussi ses cotés symboliques, patrimoniaux, authentiques, diversifiant et esthétiques. De leur côté, Lisanga Bakoko (regroupement des ancêtres), des designers utilisant exclusivement des matériaux végétaux, tels que : des perles végétales, des noix de coco et de palme, dans l’optique d’adapter des produits vestimentaires et utilitaires occidentaux, tels que les chapeaux, les habits, des lunettes, etc. Une approche qui paradoxalement prône le recours exclusif aux valeurs ancestrales.
La grande préoccupation de ces séances Masolo était celle qui concerne la circulation des informations et du savoir, dans le métier du design ici en RD Congo. Comment utiliser les canaux traditionnels et les mettre à jour ; comment créer de nouvelles voies en vue d’impacter la société. Via cette approche, la consommation des produits locaux connaitra une ascension fulgurante car l’un des plus grands problèmes reste le manque d’une communication adéquate. La transmission des savoirs a fait l’objet des débats entre des chefs d’écoles, des discussions autour des raisons de la création d’un département de design et les visions ayant conduit à celle-ci, le cas de l’Académie des Beaux-arts de Kinshasa, développé par le Directeur général Henri Kalama ; aussi, les stratégies et le fonctionnement du design textile à l’Institut Supérieur des Arts et Métiers(ISAM). Le designer allemand Jakob Timpe a partagé son expérience allemande avec son entreprise vondingen, un moment d’échanges qui a montré combien il est temps de créer des interconnexions avec d’autres professionnels d’autres cieux afin de faire profiter à la scène des interconnexions qui charrieront de nouvelles perspectives dans le domaine. Dans la même logique, Elsa Weistreicher, avec le projet Triangle tournoyant qui a connu une de ses phases à Kinshasa après Berlin, a parlé de comment tous ensemble pouvons repenser la pratique du design et donc, l’éducation du design en réfléchissant que celui-ci est, en fait, l’agent qui crée le monde matériel qui nous entoure entant qu’être humain et qui a une énorme influence sur notre réalité.
Jean Kamba
Commissaire /Kindeswe Masolo